Géo-histoire et autres éléments...
  La décolonisation et l'émergence du Tiers-Monde
 

 

La décolonisation et l'émergence du Tiers-Monde

 

 

Introduction

 

L'émancipation des peuples dépendants se produit pour l'essentiel au cours de la génération qui suit la 2° guerre mondiale (1945-65). le processus de décolonisation a touché d'abord l'Asie puis l'Afrique. Il a pris des formes multiples, de la séparation négociée au conflit sanglant. Comment s'explique la disparition rapide du système colonial ? Pourquoi y a-t-il eu des guerres dans certains cas ?

Les jeunes États indépendants et très divers qui en résultent se reconnaissent dans le « Tiers-Monde » dès le milieu des années 1950 : un troisième monde exploité et sous-développé à l'instar du tiers état français de 1789. Quelles sont les difficultés économiques et sociales des jeunes États du Tiers-monde ?

Et comme ils ne se reconnaissent ni dans le monde capitaliste occidental ni dans le monde communiste, ils prétendent faire émerger sur la scène internationale leur 3ème monde. Mais comment ne pas retomber dans la dépendance politique dans le contexte bipolaire de la guerre froide ? Comment sortir de la dépendance économique installée par le système colonial et du sous-développement ?

 

I – L'émancipation des peuples dominés

 

A – Les facteurs de l'émancipation des colonies échappent aux métropoles

 

1° l'impact de la 2nde GM

 

La guerre a ruiné le prestige des puissances coloniales européennes :

    • Elles ne sont pas invincibles puisqu'en Asie, les conquêtes japonaises ont « libéré » de la tutelle européenne les colonies d'Asie du Sud-Est : Indochine, Malaisie, Birmanie, Indonésie. L'occupant japonais a développé une propagande anti-européenne, et proclamé l'indépendance en se retirant en 45.

    • Elles ne sont pas si fortes puisqu'elles ont eu besoin de l'aide de leurs colonies pour vaincre. La brutale défaite française de juin 1940 frappe les esprits.

    • Elles ne peuvent plus invoquer comme avant « la supériorité » de leur civilisation : l'homme blanc s'est montré capable d'atrocités et de la pire des barbaries.

 

La guerre a propagé les idées de liberté et d'égalité :

    • Par les promesses faites par les métropoles à leurs colonies (en 1943, le Royaume-Uni promet l'indépendance à l'Inde pour après la guerre)

    • Par la propagande dirigée par les Alliés : dès la charte de l'Atlantique en août 1941, Roosevelt et Churchill réaffirment le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, l'objectif étant la victoire de la liberté sur le fascisme.

 

La 2nde GM a donc affaibli les métropoles européennes et donné aux mouvements nationalistes des colonies le soutien populaire qui leur manquait jusque là, ainsi qu'une justification idéologique incontestable. Elle a amené aussi un nouveau contexte international favorable à la décolonisation.

 

Le rôle du nouveau contexte international

 

Le rôle de l'ONU :

    • Son texte fondateur (charte de San Francisco) proclame l'égalité des peuples et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

    • Elle donne l'exemple en donnant leur indépendance aux territoires placés sous sa tutelle, comme les anciennes colonies italiennes de Libye, Érythrée, Éthiopie, Somalie.

    • Elle accueille comme nouveaux membres les nouveaux pays indépendants

    • Mais action limitée du fait du droit de veto au Conseil de sécurité de la France et du R-U, les deux principales puissances coloniales.

L'influence des 2 Grands dans le monde bipolaire de la guerre froide :

Les États-Unis et l'URSS prennent position en faveur de la décolonisation :

    • Raisons des E.-U. : en souvenir de leur guerre d'indépendance, car ils se proclament chefs du monde libre et pour attirer dans leur bloc les nouveaux pays indépendants et pour développer les relations commerciales.

    • Raisons de l'URSS : en raison de l'idéologue marxiste-léninisme qui affirme que colonialisme = impérialisme = capitalisme ; car elle se proclame chef du camp anti-impérialiste et pour attirer dans son bloc les nouveaux pays indépendants

 

La détermination des peuples dominés

 

    • Ils s'appuient sur les élites locales européanisées formées par l'école aux valeurs occidentales de liberté, d'égalité et droits de l'homme. Elles les retournent contre leurs maîtres : la déclaration d'indépendance du Viêt-Nam par Ho Chi Minh le 2 septembre 1945 est un bon exemple ou encore Gandhi en Inde, Bourguiba en Tunisie, Soekarno en Indonésie ...

       

    • Ils fondent leur nationalisme anti-européen sur la religion ou sur le marxisme. Ainsi, au Maghreb eu au Moyen-Orient, presque tout les mouvements de libération s'appuient sur l'islam. Le vietminh a été fondé par le PC indochinois, leur permettant ainsi de bénéficier de l'aide de l'URSS dans le contexte de la guerre froide.

 

    • Ils sont prêts à agir dès 1945 :

      - en Asie où le parti du congrès de Gandhi a lancé le slogan anti-britannique « quit India » dès 1942, l'Indonésie et le Viêt-Nam proclament leur indépendance dès le départ des japonais

      - inquiète la France en Afrique du Nord. En Algérie, le nationalisme est divisé en plusieurs mouvements rivaux, certains ne demandant que l'autonomie, d'autres l'indépendance ; la manifestation anti-européenne de Sétif en Algérie, le 8 mai 1945, a dégénéré en émeute et tué 103 européens. La répression par l'armée française a fait officiellement 1500 victimes parmi les Algériens, probablement beaucoup plus...

      - en Afrique noire (Senghor au Sénégal) : ils se bornent à revendiquer dignité, égalité et justice après des siècles d'asservissement. Ils réclament en général l'autonomie interne.

 

Donc, dès 1945, les mouvements nationalistes, à l'origine élitistes, sont devenus populaires et font entendre leurs revendications au moins en Asie et en Afrique du Nord.

 

B – Les modalités de la décolonisation dépendent de l'attitude des métropoles

 

trois formes de décolonisation

 

De la moins violente à la plus violente, on distingue :

    • l'émancipation par la négociation, librement consentie par la métropole, c'est le cas de l'Asie britannique (Indes), du Maroc et la Tunisie française, et de l'Afrique noire britannique et française.

    • l'émancipation arrachée par la menace de la guerre : c'est le cas de l'Indonésie néerlandaise et du Congo belge

    • l'émancipation imposée par la guerre perdue par la métropole : c'est le cas de l'Indochine et de l'Algérie française, et de l'Angola et du Mozambique portugais.

 

On peut faire 3 remarques :

    • Tous les mouvements de libération nationale ne préconisaient pas la violence contre les Européens ; Gandhi par exemple en Inde, s'est opposé aux anglais en ponant la non-violence. Il a préconisé la désobéissance civile et le boycott des produits anglais. C'est souvent le refus du dialogue de la métropole qui déclenche l'engrenage de la violence.

    • Même dans le cas des indépendances négociées, il peut y avoir de la violence comme des conflits ethniques en Inde sans intervention anglaise

    • La France n'a pas su éviter les guerres coloniales, à la différence du Royaume-Uni.

 

les attitudes différentes du R-U et de la France

 

Le Royaume-Uni accepte la décolonisation, par réalisme :

    • Car il en a déjà l'expérience (E.-U., Canada, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande) et peut proposer le cadre souple du Commonwealth à ses anciennes colonies : elles y gagnent une véritable indépendance sans que le prestige du R-U soit diminué.

    • Préfère renoncer à sa domination politique pour mieux conserver ses intérêts économiques.

    • Car le gouvernement travailliste Attlee comprend le caractère inéluctable des émancipations.

 

La France refuse la perte de son Empire, par principe :

    • Car renoncer à l'Empire, c'est accepter, après la défaite de juin 40, un nouveau recul de la puissance française. Dès la conférence de Brazaville en 1944, De Gaulle écarte toute possibilité d'autonomie ou de self-governement et donc d'indépendance. Il n'envisage que des réformes économiques et sociales qui ne remettent pas en cause « le bloc de l'Empire français ».

    • En 1946, la constitution de la IVème République crée « l'Union française » qui remplace l'Empire ; les colonies deviennent des « départements d'outre mer ». Les indigènes deviennent des « autochtones » mais la domination coloniale reste inchangée.

 

C – La décolonisation se fait en Asie en premier (1945-55)

 

L'émancipation négociée de l'Asie britannique

 

a) dans les Indes, 3 nouveaux États

Comme promis depuis 43, des négociations s'ouvrent dès juillet 45 mais elles sont compliquées par l'opposition de 2 forces nationalistes :

    • le parti du Congrès de Gandhi et Nehru, hindouiste et partisan d'un État unique

    • la Ligue musulmane d'Ali Jinnah qui veut 2 États, 1 pour les Hindous et 1 pour les Musulmans minoritaires

Le 15 août 1947, c'est la naissance de :

    • la République Indienne, capitale Delhi, dirigée par NEHRU

    • le Pakistan, peuplé surtout de musulmans, mais formé de 2 territoires distants de 1700kms! 15 millions de personnes sont déplacées, des centaines de milliers de morts dont Gandhi lui même, assassiné par un hindou fanatique lui reprochant sa non-violence vis-à-vis des musulmans.

En 1971, éclate un nouveau conflit : le Pakistan oriental, soutenu par l'Inde et l'URSS se détache du pakistan occidental et devient le Bangladesh.

 

b) dans le reste de l'Asie britannique, 4 nouveaux États

1948 : l'île de Ceylan qui devient le Sri Lanka

1948 : la Birmanie, seule des ex-colonies britanniques qui n'adhère pas au Commonwealth (actuel Myanmar)

1957 : indépendance plus tardive de la Malaisie avec le port de Singapour, plaque tournante de l'Asie du Sud-Est qui lui ne devient indépendant que en 1965.

 

c) mais au Moyen Orient, le retrait britannique laisse une situation confuse

L'Égypte (1922) et l'Irak (1932) sont indépendants depuis l'entre-deux-guerres. En 1946, les Français se retirent de la Syrie et du Liban et les Anglais donnent l'indépendance à la Transjordanie. Mais, en 1948, ils quittent la Palestine en laissant l'ONU régler le problème du face à face entre Israéliens et Palestiniens.

 

l'émancipation arrachée de l'Indonésie néerlandaise

 

Dès le départ des Japonais, en août 45, Soekarno proclame l'indépendance. Les Pays-Bas interviennent militairement par 2 fois en 47 et 48. Mais les États-Unis soutiennent l'Indonésie en menaçant les Pays-Bas de les priver de l'aide Marshall et l'ONU vote une résolution pour l'arrêt des combats. En 1949, sous la pression internationale, les Pays-Bas acceptent l'indépendance de l'Indonésie.

le drame de la guerre d'Indochine (1946-54)

 

a) l'échec des négociations en 45- 46

Ho Chi Minh, chef du Vietminh, proclame l'indépendance du Vietnam dès le départ des japonais en septembre 1945, sans consulter le général De Gaule qui décide de son côté que la France doit revenir en Indochine. En novembre 1946, la marine française bombarde le port de Haïphong (6000 morts) ; en décembre, le Vietminh riposte par le massacre de 200 Européens à Hanoi : Ho Chi Minh prend le maquis, c'est le début de la guerre.

 

b) une guerre de 8 ans

La France combat avec son armée de métier (470 000 hommes en 1954), renforcée par 220 000 soldats vietnamiens anticommunistes, et aidée financièrement par les États-Unis à partir de 1949 (la guerre coloniale se transforme en conflit de la guerre froide). La France tient les villes et les points stratégiques du pays dans des conditions très difficiles.

Les combattants du Vietminh sont aidés par l'URSS et la Chine de Mao à partir de 1949 (armes, bases de repli...). Ils pratiquent la guérilla, maîtrisent les campagnes où les paysans les soutiennent en majorité.

 

c) la défaite française et la naissance de 3 nouveaux États

A partir de 53, les États-Unis tenant compte de la mort de Staline et de la fin de la guerre de Corée, poussent la France à négocier à Genève pour le printemps 1954. L'armée française cherche à attirer les ennemis dans la cuvette de Dien Bien Phu mais le piège se retourne contre elle et les Français sont obligés de se rendre le 7 mai 54 après 54 jours de combats. La défaire de Dien Bien Phu contraint la France d'accepter à la conférence de Genève l'indépendance du Vietnam, du Laos et du Cambodge.

Le bilan est effroyable : 92000 morts dont 20700 militaires français ! Et la paix est fragile : le Vietnam est provisoirement divisé en 2 : au Nord du 17° parallèle, le Nord communiste de Ho Chi Minh et le Sud pro-américain. Cela débouchera sur un affrontement entre les deux parties (la 2me guerre du Vietnam dès 63).

 

C – La décolonisation se fait en Afrique puis en Océanie en dernier (1955-1975)

d'abord l'émancipation du Maghreb français

 

a) l'indépendance négociée de la Tunisie et du Maroc en 1956

En Tunisie, Bourguiba est arrêté depuis 1952 et l'insurrection se prépare. En 1954, dans son discours de Carthage, Pierre-Mendès-France, chef du gouvernement français, promet « l'autonomie interne ». Bourguiba est libéré en 55 et proclame l'indépendance en 56.

Au Maroc, le sultan Mohamed V est exilé par la France à Madagascar après les émeutes sanglantes de Casablanca fin 52. La France permet son retour en 55 et il devient le 1er roi du Maroc indépendant en 1956.

 

b) le drame de la guerre d'Algérie (1954-62)

  • Comment expliquer que la France, à peine sortie de la guerre d'Indochine, s'engage dans une nouvelle guerre coloniale, alors même qu'elle négocie avec les voisins tunisiens et marocains ? C'est que pour la France : «  l'Algérie, c'est la France ».

C'est la plus ancienne (1830) et la plus proche des colonies françaises donc la seule colonie de peuplement : 1M de « pieds noirs » y vivent avec 9M d'algériens musulmans, exclus du droit de vote. Elle est formée de 3 départements français qui dépendent du ministère de l'Intérieur.

 

  • De 1945 à 1954, la situation se dégrade :

    Après les émeutes sanglantes de Sétif le 8 mai 45 et leur répression brutale, la IVème République adopte un nouveau statut pour l'Algérie, avec la création d'une Assemblée algérienne élue, formée de 60 députés européens et 60 députés algériens mais les élections sont truquées d'où le sentiment de frustration des algériens. En 1954 se forme le FLM (Front de Libération Nationale).

 

  • De 1954 à 1958, l'escalade de la guerre :

    Le FLN déclenche l'insurrection générale lors de la Toussaint rouge, le 1er novembre 54 (30 attentats sur tout le territoire la même nuit), inaugurant ainsi sa tactique de la guérilla et de harcèlement contre les forces françaises, et de terrorisme contre les « pieds noirs ».

    En 1956, Guy Mollet, chef du gouvernement, entraîne l'intervention croissante de l'armée française, renforcée par les appelés du contingent dès 56 avec pour but la répression contre le FLN mais aussi une action sociale auprès des populations musulmanes pour les attacher à la France (santé, instruction...).

    En 1957, elle emploie tous les moyens, y compris la torture, pour remporter la « bataille d'Alger » : 9 mois de terreur et de traque pour démanteler les réseaux du FLN dans la ville. Dès lors, la légitimité de cette guerre est de plus en plus contestée, à la fois en France et à l'étranger. L'ONU condamne la France après le bombardement d'un village tunisien, proche d'une base du FLN (70 morts). Une tentative de coup d'état à Alger soutenus par l'armée échoue le 13 mai 1958 mais provoquera la chute de la IVème République et le retour au pouvoir du général De Gaulle.

 

  • De 1958 à 1962 , la marche difficile vers l'indépendance :

Par réalisme plus que par conviction, le général De Gaulle choisit peu à peu l'indépendance : - en juin 58, il lance son fameux et ambigu « je vous ai compris » aux « pieds noirs » d'Alger, ce qui les ramène dans le giron de la France.

- puis il propose en vain la « paix des braves » au FLN

- en 59, il évoque l' »Algérie algérienne » puis la « république algérienne »

- en 61 un « État algérien souverain ». Il ouvre des négociations avec FLN

Pendant ce temps, les partisans de « l'Algérie française » s'estiment trahis par De Gaulle. En 1960, ils organisent « la semaine des barricades ». En 1961, ils créent l'OAS (Organisation de l'Armée Secrète) qui fait tout pour saboter les négociations de paix et empêcher l'indépendance. 4 généraux tentent un putsch qui échoue devant la fermeté de De Gaulle (Salan, Challe, Jouhaud et Zeller).

Le 18 mars 62, les accords d'Evian sont enfin signés. Ils sont approuvés par 2 référendums : un en France (90% de oui) et l'autre en Algérie (99% de oui). Le 1er juillet 1962, l'indépendance de l'Algérie est officiellement proclamée.

 

Le bilan humain et politique de cette guerre est terrible :

  • 400 000 à 500 000 morts algériens, 27 500 soldats français tués

  • près de 1 million de personne déplacées : 800 000 « pieds noirs » rapatriés pendant l'été 62, obligés de choisir entre « la valise et le cercueil » , avec des milliers de Harkis (algériens qui ont combattus du côté français).

  • Échec et fin de la IVème République en 1958

  • image négative de la France dans les relations internationales

  • relations franco-algériennes compromises pour longtemps

 

enfin, l'émancipation de l'Afrique noire :

 

a) l'émancipation de l'Afrique noire britannique est négociée

* Elle s'est faite au cas par cas et par étapes : d'abord l'autonomie partielle puis le self government et enfin, l'indépendance. Le Ghana sert de modèle dès 1957 pour le Nigéria, la Sierra Léone, la Tanzanie et l'Ouganda en 1960. Au Kenya, en 1963, les anglais ont du réprimer la révolte des Mau-Mau qui voulaient s'emparer des terres des blancs, abolir le christianisme et restaurer leurs anciennes coutumes.

* Dans l'Afrique australe, la situation est compliquée par le fait que la minorité blanche veut conserver tous ses privilèges aux dépens des noirs, comme en Afrique du Sud (détaché du Commonwealth dès 61) où les blancs (15% de la population) ont instauré l'apartheid (ségrégation raciale) qui maintient les noirs dans un statut inférieur. En Rhodésie du Sud, les blancs (5%) proclament l'indépendance en 1965, quittent le Commonwealth et instaurent l'apartheid... La majorité noire ne parvient à s'émanciper qu'en 1980, transformant la Rhodésie en Zimbabwe. Les noirs d'Afrique du Sud ne sont débarrassés de l'apartheid qu'en 1991.

 

b) l'émancipation de l'Afrique noire française est paisible :

2 facteurs la facilitent :

* la lassitude de l'opinion publique française qui veut éviter une nouvelle guerre coloniale (« plutôt la Corrèze que le Zambèze »).

* la modération des leaders nationalistes comme Senghor au Sénégal qui siège au parlement français depuis 1946

Elle se déroule en trois temps :

* 1956 : la IVème Rép propose l'autonomie interne dans la loi-cadre Déferre qui prévoit des assemblées élues dans chaque colonie, dotées du pouvoir législatif, et des ministres noirs placés sous l'autorité d'un gouverneur français.

* 1958 : la constitution de la Vème Rép offre aux colonies le choix entre l'intégration dans « la Communauté française » qui serait une fédération d'Etats autonomes, et l'indépendance immédiate. Seule la Guinée s'émancipe dès 1958.

* 1960 : toutes les colonies demandent et obtiennent l'indépendance : Burkina-Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo et Madagascar.

 

Tout ces nouveaux États signent des accords de coopération avec la France qui préserve ici ses intérêts.

 

c) l'émancipation des colonies belges est brutale :

En 1960, des émeutes urbaine se produisent pour réclamer l'émancipation octroyée aux pays voisins. Mais, à la différence du R-U et de la France, la Belgique n'a pas préparé les élites locales. Elle se retire sans transition du Congo Kinshasa en 1960 et du Rwanda et du Burundi en 1962.

Il s'ensuit des troubles graves : 5 ans de guerre civile au Congo Kinshasa où les richesses minières attirent les intérêts étrangers, où l'ONU est même intervenue, suivis de la longue dictature du maréchal MOBUTU (1965-1997). Le génocide au Rwanda en 1994 s'explique aussi en partie par cette décolonisation mal préparée.

 

d) l'émancipation des colonies portugaises est tardive et violente :

Depuis les années 20, le Portugal est dirigé par la dictature de Salazar qui veut conserver à tout prix les restes de l'Empire colonial portugais jadis prestigieux. En 1974, l'armée portugaise renverse Salazar et installe la démocratie au Portugal par « la révolution des oeillets ». Le nouveau gouvernement donne l'indépendance à la Guinée Bissau et le Cap-Vert en 1974 et à l'Angola et au Mozambique en 1975.

Ces 2 pays continuent de subir la guerre car les mouvements nationalistes s'y disputent le pouvoir, soutenus soit par les États-Unis, soit par l'URSS, l'Afrique étant devenue à son tour un théâtre de la guerre froide.

 

L'émancipation de l'Afrique a donc été rapide : de 1956 à 1965, sauf pour les colonies portugaises, et les peuples noirs de l'Afrique australe. Ce n'est qu'en 1990 que l'Afrique du Sud consent enfin à accorder l'indépendance à la Namibie, qu'elle conservait sous sa tutelle malgré l'opposition de l'ONU.

L'Espagne, imitant la France, s'est retirés du Nord du Maroc dès 1956 où elle ne garde que les enclaves de Ceuta et Melilla face à Gibraltar, puis du Sahara Occidental en 1976. Enfin, la France accorde l'indépendance aux Territoires d'Outre Mer qui la demandent : les Comores en 1976 (sauf Mayotte qui choisit de rester attachée à la France), et Djibouti en 1977.

Les archipels océaniens obtiennent aussi l'indépendance du RU : la Papouasie en 1970, les îles Salomon en 1978 et les Nouvelles-Hébrides en 1980.

 

II – Les difficultés économiques et sociales du Tiers-Monde

 

Alfred Sauvy crée l'expression qui désigne désormais l'ensemble des États issus de la décolonisation, par analogie avec le Tiers État de 1789. d'emblée, Tiers-Monde recouvre deux significations :

* politique : le Tiers-Monde est le 3ème monde qui ne se reconnaît ni dans le monde occidental ni dans le monde communiste.

* économique : le Tiers-Monde est le 3ème monde pauvre et exploité, le monde des « pays sous développés ». Les jeunes États issus de la décolonisation découvrent d'abord que indépendance politique ne signifie pas indépendance économique.

 

A – La prise de conscience de la dépendance économique

 

Elle est la conséquence du système colonial imposé par les métropoles.

 

des économies déséquilibrées

 

  • l'agriculture y est toujours l'activité principale mais elle est à deux vitesses :

* un secteur moderne crée par et pour la métropole avec l'agriculture commerciale des plantations, sur les meilleures terres. Tout est exporté.

* un secteur traditionnel abandonné aux paysans les plus pauvres et aux méthodes archaïques pour produire les cultures vivrières insuffisantes pour nourrir la population.

  • l'industrie y est inexistante (sauf en Inde) ; les ressources minières et énergétiques sont exportées vers l'Europe et les EU et les secteurs tertiaires n'est gonflé que par des « petits boulots » peu productifs.

 

d'où les 3 dépendances

 

  • dépendance commerciale : nécessité d'importer de la nourriture, et tous les produits industriels en provenance des pays riches donc nécessité de continuer à exporter les cultures commerciales et les ressources minières pour payer ces importations. Mais les prix dépendent des pays riches. D'où la balance commerciale très déficitaire.

  • dépendance financière : la monnaie est liée à la monnaie de la métropole (le Franc CFA en Afrique, la £ en Égypte...). La minorité riche du pays place son argent dans les banques des pays riches. Impossible de construire le moindre projet sans faire appel aux capitaux étrangers à moins de s'approprier les biens des capitalistes (ex de Nasser en 56 qui nationalise le canal de Suez pour pouvoir construire le Haut barrage d'Assouan.

  • dépendance technologique :ce barrage a été conçu et dirigé par des ingénieurs venus d'URSS...

 

B – Les plaies sociales du sous-développement

 

une croissance démographique immaîtrisable

 

Car la mort recule alors que la natalité reste élevée (phase B de la transition démographique). Donc une population de plus en plus jeune qui demande des écoles et de l'emploi qui n'existent pas ! Cela aggrave la misère des campagnes et explique un exode rural qui aboutit aux bidonvilles des grandes villes.

 

le monde de la pauvreté

 

La malnutrition sévit partout mais c'est surtout en Asie que la famine menace dans les années 50 et 60. L'analphabétisme est énorme et constitue le 1er frein au développement. Les « services publics » de santé et d'éducation sont impuissants parce que sans moyens aucun.

Les inégalités entre la majorité de la population extrêmement pauvre et la minorité qui s'enrichit à leurs dépens grâce à ses relations avec les pays riches s'aggravent. Cela débouche sur des problèmes politiques internes inévitables. Seule l'armée peut maintenir l'ordre d'où les dictatures. Mais il faut la former, l'équiper et la payer... comment si on ne veut pas retomber dans la dépendance politique d'une grande puissance ?

 

III – La volonté du Tiers-Monde d'exister dans les relations internationales

 

Ces jeunes États veulent éviter de retomber dans la dépendance politique d'une grande puissance et veulent sortir de la dépendance économique imposée par le système colonial. Mais comment y parvenir ?

 

A – au plan politique, la recherche de la solidarité face aux deux Grands :

 

grâce à l'ONU d'abord

 

Les pays du Tiers Monde y deviennent majoritaires, puisqu'ils y sont admis dès leur indépendance. L'ONU devient donc une tribune où ils apportent leur soutien aux peuples encore dépendants. L'élection du Birman U THANT en 1961 au poste de secrétaire général révèle leur importance nouvelle. Mais l'organe décisionnel de l'ONU, le conseil de sécurité reste sous le contrôle des grandes puissances.

 

avec la conférence de Bandung (Indonésie) en Avril 55

 

* elle est convoquée par 5 pays d'Asie : Inde, Pakistan, Sri-Lanka, Birmanie et Indonésie. * elle rassemble 29 délégations de peuples déjà émancipés ou en voie de l'être en Asie et en Afrique, représentant la moitié de l'Humanité mais seulement 10% des richesses mondiales.

* elle est animée par des leaders prestigieux : Soekarno, Nehru + chinois Zhou-en-Laï

* elle aboutit à la signature d'un texte commun :

      • qui condamne le racisme et le colonialisme

      • qui exalte les principes universels (droits de l'Homme et des peuples)

      • qui soutient les peuples et mouvements encore en lutte

      • qui affirme la neutralité vis-à-vis des 2 Grands

      • qui exige le droit au développement économique et culturel

* elle est considérée comme le véritable « acte de naissance » du tiers-Monde :

- car pour les puissances européennes, c'est la révélation de l'émergence de ces nouveaux pays, capables de s'organiser sans elles

- car pour Nasser, elle regroupe « l'internationale des pauvres » et pour Nehru Asie et Afrique sont des « continents frères »

- car pour Senghor, c'est le « festival des peuples de couleur » , « la mort du complexe d'infériorité » pour les hommes de couleur.

 

avec le mouvement des non-alignés lors de la conférence de Belgrade en 1961 :

 

* le non-alignement est le refus d'entrer dans un bloc ou dans l'autre, donc le refus du monde bipolaire de la guerre froide. C'est la relance de l'esprit de Bandoung, à l'initiative de Nehru, Nasser et Tito, le Yougoslave dissident du bloc communiste, qui se rencontrent à Brioni en 56; la conférence de Belgrade en 1961 réunit 25 États : à nouveau les pays présents à Bandoung + les nouveaux États africains + Cuba et des observateurs des pays d'Amérique latine. Les non alignés se réunissent tous les 3 ans : leur succès est évident : leur nombre double dans les années 60 et double à nouveau dans les années 70 (presque...).

* il prolonge les idées de Bandung :

- en dénonçant le colonialisme, en soutenant tous les mouvements d'émancipation contre toutes les formes d'oppression des peuples

- en multipliant les appels à la détente, au désarmement, et en refusant d'être « l'instrument des deux Grands ».

- en proposant la suppression du droit de veto des 5 pays dirigeant le conseil de sécurité et en demandant pouvoir de décision pour l'assemblée générale de l'ONU.

 

Donc, dès le début des années 1960, un Tiers-Monde incluant l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine est constitué. Il partage 3 objectifs communs : la décolonisation, le non alignement et de plus en plus le développement ( les revendications du Tiers-Monde deviennent de + en + économiques).

 

B – Au plan économique, la revendication d'un nouvel ordre économique mondial

 

une solidarité bâtie sur une explication commune du sous-développement

 

Le sous-développement ne serait pas un « retard de développement » mais le résultat de l'exploitation coloniale aggravé ensuite par « la détérioration des termes de l'échange ». Le prix des exportations du Tiers-Monde n'augmente pas alors que le prix de ses importations augmente beaucoup, ce qui aggrave les déficits commerciaux. Le Nord continuerait donc d'exploiter le Sud.

Les dirigeants des États du Tiers-Monde fondent leur solidarité sur la mise en accusation du Nord jugé responsable du sous-développement du Sud. Cette théorie aujourd'hui contestée a été soutenue dans les pays riches à partir des années 60 par les « Tiers-Mondistes » choqués par la misère du Sud.

 

 

 

 

l'affirmation économique du tiers-Monde en 2 étapes

 

A partir de 1964 à L'ONU avec la création par « la groupe des 77 » de la C UCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), organisme désormais permanent dont le but est de transférer une partie des richesses du Nord vers le Sud.

Surtout à partir de la conférence des non-alignés d'Alger en 1973 qui revendique un Nouvel Ordre Économique International fondé sur l'égalité et la coopération entre États du Nord et États du Sud. La décision de l'OPEP en 1973 d'augmenter le prix du pétrole sans consulter les pays du Nord (1er choc pétrolier) en est la première application, même si elle a été inspirée plus pour des raisons politiques qu'économiques. L'OPEP existait depuis 1960 mais n'avait pas réussi jusque là à obtenir l'augmentation des prix du pétrole.

 

Cette utilisation d'une arme économique pour influer dans un conflit politique (obtenir que les EU et l'Europe ne soutiennent plus Israël dans le conflit israélo-arabe) a réussi à ébranler le monde occidental en lui révélant sa vulnérabilité. Mais elle a surtout mis fin à la solidarité du tiers-Monde : beaucoup de pays du Tiers-Monde sont obligés d'importer du pétrole, et leur situation économique s'en trouve aggravée... Désormais, il n'y a plus « un Tiers-Monde » mais des tiers-mondes aux intérêts divergents !

 

 

CONCLUSION :

 

Le Tiers-Monde est né à Bandoung de la décolonisation. Ses objectifs annoncés dans l'enthousiasme dès 1955 n'ont pas tous été atteints. Le colonialisme est mort. Avec l'indépendance de la Namibie et la fin de l'apartheid en Afrique australe, le processus de décolonisation est achevé. Le non-alignement a échoué, dès les années 60. Comment en effet échapper à l'influence ou refuser l'aide d'une grande puissance ? Comment éviter de servir de champ de bataille à l'affrontement des deux Grands ? Successivement l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine ont été le théâtre de la guerre froide.

Le nouvel ordre économique mondial n'a jamais vu le jour. Les politiques de développement ont été très diverses, certains pays comme l'Algérie ou Cuba choisissant la voie socialiste avec priorité à l'industrie lourde pour l'exportation. Les pays pétroliers très surveillés par les EU disposent de capitaux importants à partir de 1973. la diversité et les inégalités ne cessent donc d'augmenter à partir des années 70 à l'intérieur du Tiers-Monde dont l'unité n'aura été qu'utopique, mais fort utile pour faire entendre dans les pays riches la voix de plus des ¾ des habitants de la planète !

 
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